Page 129 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
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un POint d’abOutisseMent inacheVé
Pour qui veut risquer une conclusion, il conviendra cependant de remarquer que le pro-
cessus de transformation demeura inabouti. Le monde grec resta marqué, mentalement et
effectivement, par le système du soldat citoyen. On en verra pour preuve que dès qu’il était
possible, on tentait d’intégrer les spécialistes de la guerre à une Cité. Les politographies ou
les anaplérôseis imposées par les souverains hellénistiques n’avaient pas d’autre but : en de-
mandant, parfois avec insistance, à des cités de créer de nouveaux citoyens, ils s’y assuraient
à la fois de l’existence de soutiens politiques et de soldats locaux . lorsque la sociologie
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des nouveaux entrants est perceptible, comme c’est le cas de la fameuse inscription d’Ilion,
on constate que ce sont en quasi-totalité des hommes déjà âgés et peu pourvus d’enfants. Au
lieu d’y voir la preuve de la faible fécondité du monde grec et de sa dépopulation, ce qu’on
a trop souvent fait , il vaut mieux y voir le témoignage de l’entrée de soldats professionnels
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dans des corps civiques : soldats différents des civils comme le prouve leur démographie,
mais cherchant au moins à le devenir ou à s’en rapprocher.
Ainsi, le civil n’a jamais été pensé en tant que tel par les Grecs Anciens. Même à l’épo-
que où la guerre ne concerne plus guère que les Etats territoriaux et ne touche les Cités
que par la bande, les éphébies subsistent plus que jamais . Remarquons toutefois qu’elles
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concernent les citoyens, qui tendent à devenir une minorité dans les populations urbaines.
les autres sont à proprement parler des civils ès qualités. A l’époque de la paix romaine,
la paidéia passe toujours par la guerre, même si celle-ci n’est plus un fait courant. Dans le
roman grec, elle se réfugie ainsi soit dans la lutte contre le brigandage, soit dans le passé .
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L’état de civil est devenu normal, mais il reste inavoué.
royaume hellénistique, Pr. Univ. Rennes, 2007, p. 110-112 pour l’intégration d’ethnè non grecques, alors
considérées comme des symmachoi (alliés) dans les troupes royales par réquisition ; sur le double aspect des
katoikia, colonies pas seulement militaires mais aussi agricoles, qu’on distinguera des simples phrouria, p.
158-166.
22 a larissa : IG, IX 2, 517 ; à Pharsale, IG, IX 2, 234 ; à Hermioné, IG, IV, 729 ; à Dymé, SIG , 529. Sur ces
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textes et quelques autres, M. Launey, p. 658-664. Pour les intégrations autrement que comme citoyens, ibid.,
p. 643-653 et plus haut, n. 14.
23 Les interprétations traditionnelles d’A. Landry, Quelques aperçus concernant la dépopulation dans l’Anti-
quité gréco-romaine, Revue Historique, 177, 1936, p. 1-33, sont rendues caduques par la comparaison avec
d’autres politographies, et les tentatives de reconstructions démographiques par comparaison avec les Inuits
de P. Brulé (Enquête démographique sur la famille grecque antique, Revue des Etudes Anciennes, 92, 3-4,
1990, p. 233-258) n’ont pas toujours convaincu (cf. J.-N. Corvisier et W. Suder, La population de l’Antiquité
classique, Paris, 2000, notamment p. 60-63).
24 On en verra pour preuve les études de B. Legras sur l’Egypte (Néôtès. Recherches sur les jeunes Grecs dans
l’Egypte Ptolémaïque, Genève, 1999) ou de A. Chankowski (L’Ephébie hellénistique, étude d’une institution
civique dans les cités grecques des îles de la Mer Egée et d’Asie Mineure, sous presse, cf. L’entraînement
militaire des éphèbes dans les cités grecques d’Asie Mineure, nécessité pratique ou tradition atrophiée, in
(éd.) J.-C. Couvenhes et H.-L. Fernoux, Les Cités grecques et la guerre en Asie Mineure à l’époque hellé-
nistique, Tours, 2004, p. 55-76), tout comme la fameuse loi béotienne de préparation militaire (P. Roesch,
Etudes Béotiennes, Paris 1982, p.
25 J.-N. Corvisier, La Guerre dans le roman grec, « Dialogue militaire entre les Anciens et les Modernes », 30
mars 2001, textes réunis par J.-P. Bois, Pr. Univ. Rennes 2004, p. 39-52.