Page 125 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
P. 125

125
          aCta
          si une Cité finit toujours par être recréée -, la guerre suscite des vocations de mercenaires :
          comment gagner sa vie quand on n’a plus de Cité et qu’on n’a plus de terres, sinon en faisant
          ce que tout citoyen a appris à faire, la guerre, même si il faut y apprendre des techniques
          nouvelles. On notera d’ailleurs que les Cités ont toujours eu des professionnels de la guerre
          distincts des simples soldats-citoyens, en la personne des membres des bataillons sacrés, des
          « choisis » qui sont soumis à un entraînement permanent et constituent le fer de lance de
          l’armée : le fait est avéré en Béotie mais aussi ailleurs. Mais pendant longtemps, on a pensé
          que cela suffisait .
                        10
             Toutefois, la professionnalisation de la guerre à la période classique demeura limitée. A
                                                                ème
          Athènes où nous avons des sources, le gros des mobilisés du IV  siècle resta constitué de
          citoyens-amateurs et l’idéologie de la guerre demeura identique. Le blocage était d’ordre
          mental : le chef de guerre restait, dans les esprits, un simple hoplite et un citoyen comme
          un autre, et le professionnel un mercenaire, donc un danger potentiel pour la Cité. Même
          l’impérialisme n’avait pas conduit les Athéniens, à plus forte raison les Spartiates, à sauter le
          pas. La création des clérouquies n’entraînait pas ipso-facto une distinction entre « citoyens-
          civils » et « citoyens soldats ». Car la première clérouquie athénienne, celle de Salamine dont
          l’épigraphie nous a conservé certains contours, n’était qu’un moyen de mettre la main sur le
          territoire et de maintenir sur place les citoyens athéniens désignés pour y prendre résidence,
          et les clérouquies instituées durant la première confédération militaire étaient, pour l’essen-
          tiel, une forme de châtiment pour une Cité rebelle : en imposant la présence d’un Athénien
          nourri par le travail d’un citoyen de cette cité « alliée », sur la terre qu’il possédait lui-même
          et sur laquelle le nouveau-venu athénien se voyait accorder un droit et le versement d’une re-
          devance, les Athéniens se faisaient payer par l’allié rebelle, sans débours pour eux, une garni-
          son minimale susceptible d’y maintenir l’ordre athénien et de peser sur sa conduite ultérieure.
          Il y avait les prodromes d’une distinction entre civil et militaire, le citoyen paysan, civil,
          entretenant le militaire professionnel. Mais les prodromes seulement : une telle situation était
          exceptionnelle et n’était pas destinée à durer. On en verra la contre-épreuve par l’exemple
          spartiate : lorsque les Lacédémoniens devaient tenir un point d’appui pour la durée du conflit,
          ils n’hésitaient pas à nommer un harmoste et à envoyer des troupes destinées à former une
          garnison ; mais, lorsqu’ils voulurent établir une tête de pont durable pour tenir les Thermopy-
          les au nord, c’est une ville qu’ils fondèrent, avec quelques colons de chez eux et des colons
          alliés. Héraclée trachinienne avait ainsi des spécialistes de la guerre péloponnésiens comme
          aides, présents au titre d’alliés seulement, mais surtout citoyens-soldats dont le nombre nous
          est connu par Xénophon et par Diodore, non des garnisaires qui en réduisaient les citoyens
          au rang de civils. C’est par le retour de la royauté que le processus se trouva relancé.

          le PrOcessus de transfOrMatiOn hellénistique
             La double mise en place de la phalange macédonienne et de la royauté hellénistique
          transforma un peu plus encore les citoyens-soldats potentiels en civils. D’abord, car faire
          partie d’une phalange macédonienne ne s’improvise pas. Il faut un entraînement supérieur
          à celui du simple hoplite, comme on le voit dès l’époque de Philippe II avec Diodore et

          10   Cf. G. Hoffmann, Les Choisis : un ordre dans la Cité grecque, Droit et culture, 9-10, 1985, p. 15-26. Voir
              aussi plus haut, n. 7.
   120   121   122   123   124   125   126   127   128   129   130