Page 127 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
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même fonctionnement se maintint dans les royaumes hellénistiques.
Pour les Cités traditionnelles, celles qui conservèrent le plus longtemps possible leurs
systèmes de défense traditionnel, la présence de garnisons accentuait la différence entre ci-
toyens = soldats potentiels et garnisaires = soldats professionnels. La mise en œuvre récente
de séries épigraphique a permis de mieux connaître ces garnisaires dont on ne peut plus
faire uniquement des mercenaires imposés de l’extérieur. A Athènes, ainsi, pour plus de la
moitié, ce sont des soldats-citoyens, mais devenus spécialistes, installés à demeure dans une
garnison éloignée de leur dème d’origine, qui vivent en symbiose avec les paysans qu’ils
sont chargés de défendre : leurs relations sont devenues des relations de civils à soldats ap-
pointés, même s’ils sont tous athéniens. Dans d’autres cas, ce sont des paroikoi, étrangers
domiciliés et fixés à demeure en bénéficiant d’un statut spécial, qui finalement sont enterrés
dans le village le plus proche de la garnison où ils se trouvent . L’apport des garnisons à la
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constitution des populations locales a d’ailleurs été diversement interprété, mais ne saurait
être considéré comme nul .
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Ces garnisons sont difficiles à percevoir par des Modernes. Au point de vue militaire,
elles sont normales, pleinement intégrées dans la défense statique d’une Cité ou d’un Etat
territorial ; mais au point de vue politique, elles peuvent avoir été imposées, de façon pu-
nitive, aux cités rebelles : Diodore ou Polybe ne se privent pas de les mentionner, ce qui
nous permet d’en dresser la liste. A les en croire cependant, les garnisaires ne sont des
mercenaires, comme d’ailleurs ils laissent l’impression que l’essentiel des effectifs des ar-
mées hellénistiques, pourtant fort nombreuses, n’étaient que des mercenaires, jugement que
suivent, en général, les Modernes . Pour les chefs ou les garnisaires imposés, on le croira
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sans peine, encore qu’ils aient bien été au départ recrutés et appointés par un souverain, et
qu’ils puissent même conserver leur poste alors qu’ils ne sont pas payés depuis longtemps,
ce qu’on ne peut attendre raisonnablement de vulgaires mercenaires . Pour les autres, il est
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14 Voir notamment J. Ch. Couvenhes, l’approche prosopographique des aires géographiques de recrutement
des garnisaires de l’Attique à l’époque hellénistique : enjeux et limites du traitement statistique, dans J.-N.
Corvisier, Guerre et démographie dans le monde antique, op. cit., p. 73-92.
15 Cf. par exemple A. Chaniotis, Constructing and Crossind Boundaries in Hellenistic Cities with Garrisons, in
(éd.) A. Chaniotis et P. Ducrey, Army and Power in the Ancient World, Stuttgart, 2002, p. 1090-123, et J. Ma,
« oversexed, overpaid and over here » : a Response to angelos Chaniotis, ibid., p. 115-122.
16 Pour les garnisons imposées, la fiction d’autonomie est maintenue, en revanche, par les sources épigraphi-
ques. Cf. le classique M. Launey, Recherches sur les armées hellénistiques, Paris 1949-1950, rééd. 1987, p.
638-643. L’étude de M. Launey, qui prend en compte les origines ethniques, véritables ou obligatoires pour
raisons culturelles ou techniques, de tous les soldats que nous font connaître les sources p. 104-617, puis qui
examine leur condition sociale p. 724-812 ou leur place dans la société, reste un travail fondamental qui a
orienté l’essentiel des études contemporaines, voit l’essentiel des soldats comme des mercenaires ; beaucoup
plus brièvement mais plus récemment P. Baker, la guerre, dans a. erskine, Le Monde hellénistique, trad. fr.,
PUR, 2004, p. 477-496. Très suggestif, A. Chaniotis, War in the Hellenistic World, Blackwell, 2005, princi-
palement p. 78-99. Le rôle du mercenariat, traditionnellement jugé constitutif du recrutement hellénistique
explique la part que celui-ci occupe dans la bibliographie, cf. l’étude bibliographique de J.-C. Couvenhes
et S. Péré-Noguès, Quoi de neuf sur la guerre ?, Pallas, 76, 2005, p. 379-399, consacrée pour moitié à ce
phénomène.
17 On sait que c’est en réglant les nombreux arriérés de solde dus par le souverain antigonide que les Athéniens
obtinrent le départ de la garnison imposée par Antigone Gonatas après la guerre de Chrémonidès, fait que
Démétrios II eut la sagesse d’admettre sans protestation (Plutarque, Aratos, 34 ou Pausanias, II, 8, 6).