Page 122 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
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122 XXXIV Congresso della CommIssIone InternazIonale dI storIa mIlItare • CIHm
même si le coût de la guerre du Péloponnèse va entraîner une diminution des soldes .
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Dans ces conditions, la notion moderne de civil ne peut s’appliquer, et de façon anachro-
nique, qu’à ceux qui n’ont pas normalement à faire la guerre. Puisque le soldat-citoyen est,
par définition, un amateur, les « civils », ce seront les inaptes par le sexe — les femmes—,
par l’âge — les enfants de moins de 18 ans et les hommes de plus de 60 ans dont, le nombre,
à en juger par les tables de mortalité, se situe entre 9 et 10% de la population . A contrario,
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il s’avère extrêmement difficile de faire une distinction entre les citoyens mobilisables et les
autres, ceux qui seraient « pleinement civils » il n’y a que chez les Macédoniens d’époque
classique qu’on a pu postuler l’existence d’une assemblée des citoyens différente de l’as-
semblée de l’armée, et dans toutes les Cités, les plus de 60 ans, ceux qui ne peuvent plus
être que civils, ne sont pas exclus de l’assemblée ni, dans la quasi-totalité des cas, des ma-
gistratures . Ce qui fait problème, c’est la situation des non-citoyens : esclaves, ils n’ont pas
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normalement à être admis à l’honneur de défendre la Cité ; étrangers, ils ne sont soumis à
l’obligation militaire que dans leur propre Cité. Dans la pratique, ces interdictions n’ont pas
été entièrement respectées. On ne s’est jamais privé d’utiliser les esclaves en cas de néces-
sité, soit dans la défense d’une ville assiégée, soit même sur le champ de bataille, comme les
Athéniens le firent à Marathon ; subsistait le barrage de la situation juridique : on ne faisait
pas de l’esclave un phalangite, sauf à l’avoir préalablement affranchi, ce qui se produisit au
moins chez les Achéens lors de la Guerre de Corinthe. D’ailleurs, les « dépendants » de type
hilotique devaient le service de guerre. Quant aux étrangers, non seulement ils finançaient la
guerre lorsqu’ils faisaient partie des étrangers domiciliés (métèques), mais ils pouvaient être
mobilisés dans des corps spéciaux.
S’il est vrai que le civil, c’est donc à priori celui qui n’est normalement pas soumis à
la guerre, et donc celui qui est logiquement protégé de ses effets, on constate que, dans le
monde grec, ce ne sont que les usages et la chance qui font d’une personne non soumise au
service de guerre, une personne civile. La contre-épreuve de ce que la notion moderne de
civil ne peut avoir de pleine valeur sera trouvée dans le traitement des populations lors d’une
prise de ville. Lorsqu’elle a été prise d’assaut, donc lorsqu’elle s’est défendue jusqu’au bout,
les usages de la guerre permettent que les femmes et les enfants soient réduits en esclavage
et les hommes soient tués, droit dont les vainqueurs semblent avoir effectivement usé dans
au moins ¼ des cas, selon les calculs de P. Ducrey . tout « civil » est donc tenu pour un
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combattant potentiel.
2 Données chiffrées et références dans J.-N. Corvisier, Guerre et Sociétés dans les mondes Grecs 490-322,
Paris 1999, p. 141-155 (nouvelle éd. augmentée sous presse).
3 J.-N. Corvisier, Vieillesse et âge au décès dans l’Antiquité grecque, le point de vue du démographe, in L’An-
cienneté chez les Anciens, Colloque International de Montpellier 22-23 novembre 2001 (éd. B. Bakhouche),
Presses de l’Univ. de Montpellier 2003, p. 9-21.
4 L’inaptitude militaire n’entraîne pas normalement l’inaptitude politique — dont l’inaptitude à des décisions
de direction de la guerre — : seuls les Maliens, petit peuple de Grèce centrale, écartent des magistratures
les hommes de plus de 60 ans. Sur l’assemblée macédonienne, P. Briant, Les dix premières années de pou-
voir d’Antigone le Borgne et les problèmes de l’assemblée macédonienne, Paris, 1973, qui distingue deux
assemblées. Ce point de vue a été partiellement accepté par N.G.L. Hammond (notamment dans A History of
Macedonia, II, 1979. Les travaux récents de M. B. Hatzopoulos (notamment Macedonian Institutions over
the Kings, Athènes, 1996) pourraient le rendre caduc. De toute façon, il ne s’agirait que d’un cas unique.
5 Le traitement des prisonniers de guerre dans la Grèce Antique, Paris, de Boccard, 1968.