Page 128 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
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128 XXXIV Congresso della CommIssIone InternazIonale dI storIa mIlItare • CIHm
clair que mercenaire s’oppose, dans nos sources, à soldat citoyen. Ces « mercenaires » sont
tout simplement des soldats professionnels appointés par un souverain.
A ce point de notre raisonnement, il faut prendre en compte les vecteurs de notre infor-
mation : en dehors des historiens anciens qui prennent en compte la guerre mais non ceux
qui la font sauf épisodiquement les chefs, nous sommes tributaires de l’épigraphie, c’est-à-
dire pour la période hellénistique, très largement des inscriptions honorifiques émanant des
Cités. Ainsi, nous percevons quelque peu les relations inter-étatiques à l’échelle civique,
mais le fonctionnement des armées régulières au sein des royaumes nous échappe pour
l’essentiel. Nous connaissons au moins partiellement la manière dont ils se procurent des
mercenaires, fût-ce dans le cas d’accords internationaux ; nous savons comment ils cher-
chent à fixer ces étrangers sur leur territoire pour en faire des soldats à demeure. Mais nous
ignorons largement comment ils recrutaient chez eux. Pourtant, on ne saurait douter qu’ils
le faisaient ; on en verra pour preuve un simple passage de Polybe concernant le roi macé-
donien Philippe V : alors que pour l’hiver il s’établissait à Argos, il renvoyait ses soldats en
Macédoine . Pourquoi le faire ? S’il s’agissait de mercenaires, il lui suffisait de les laisser
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rentrer dans leurs Cités respectives pour les 2 ou 3 mois durant lesquels les opérations s’ar-
rêtaient, sans qu’il fût besoin de les payer, en attendant la reprise de la campagne. S’il les
renvoyait en Macédoine, c’est soit qu’il les laisse hiverner chez eux - mais comment était-il
sûr qu’ils reviendraient lors de la campagne suivante ? Il fallait alors qu’ils eussent signé un
engagement pour plusieurs années … et nous sommes dans le cas d’une armée de métier ,
soit qu’il les y entretienne dans le cadre d’un stathmos, d’une réquisition , et nous sommes
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dans le cadre d’un véritable contrat pluriannuel pour des mercenaires étrangers ou d’une
armée nationale mise en contact avec ce que nous ne pouvons qu’appeler des civils. on voit
ici l’ampleur du décalage qui existe entre nos sources et nos attentes !
Une chose en tout cas est certaine : le soldat est désormais perçu en tant que tel. Son
personnage est un type humain fréquemment présenté dans la Comédie Nouvelle, sans ap-
paraître nécessairement sous les traits d’un soudard (même si on le voit souvent comme
un hâbleur), et leur supériorité sur les soldats-citoyens est reconnue . Mais alors, que sont
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ces derniers sinon des soldats potentiels, en un mot des civils. Le système hellénistique de
la clérouquie amena également à parfaire la distinction entre le civil et le militaire. On sait
comment firent les Lagides : création d’un bail individuel dans lequel le clérouque obtenait
l’usufruit d’une terre cultivée au départ par un locataire. Le soldat recevait en même temps,
par le système du stathmos, un logement chez l’indigène. Le système ne pouvait fonctionner
que s’il y avait bien un soldat professionnel et un paysan civil. Que le clérouque ait tendu
à devenir propriétaire-exploitant et la clérouquie héréditaire n’affecte pas le principe de la
spécialisation. Et si les clérouquies séleucides ou attalides prenaient la forme de colonies
permanentes, rurales ou urbaines, liées à des phrourai (fortins), il n’empêche : les colons
établis devaient, à côté de leurs obligations de défense locale, un service préférentiel dans les
armées royales . Les autres habitants n’en devenaient-ils pas des civils ?
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18 Polybe, IV, 87.
19 Celui-ci est connu, mais hors du monde antigonide, cf. M. Launey, p. 692-715.
20 Diodore, XXIX, 6.
21 Récemment sur ces points, L. Capdetrey, Le pouvoir Séleucide : territoire, administration et finances d’un