Page 261 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
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          Vers une guerre totale ? Innovations et ambiguïtés
          de la politique de Soult en Andalousie (1810-1812)


          JEAN-MARC LAFON



             Même si cette notion fut inventée et diffusée par des auteurs (L. Daudet, E. Ludendorff,
          C. Schmitt) notoirement contre-révolutionnaires, voire pour certains nazis, la plupart des
          historiens s’accordent aujourd’hui à voir la naissance de la guerre totale avec la Révolution
          française, au printemps 1792.
             Aux conflits réglés et limités d’Ancien Régime liés à des enjeux surtout dynastiques et
          à la maîtrise de soi nobiliaire, elle opposa une guerre de masse, impliquant mobilisation de
          l’ensemble des ressources matérielles et humaines (et donc l’ébauche d’une production in-
          dustrielle et scientifique des armes et autres équipements militaires), confusion des pouvoirs
          militaires et politiques, disparition de la distinction entre civils et combattants, diabolisation
          inégalée de l’ennemi et imprécision des buts de guerre, la rendant très difficile à terminer
          pour ceux qui l’avaient déclenchée. La guerre devient inexpiable, donc illimitée dans le
          temps comme dans l’espace .
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             les débuts du pouvoir personnel de Napoléon semblèrent cependant marquer une rupture
          dans ce processus, avec un retour à la négociation. Il signa la paix de Lunéville avec l’Autri-
          che en février 1801, puis celle d’Amiens avec l’Angleterre en mars 1802 ; tandis qu’amnistie
          et rétablissement de la liberté religieuse permettaient d’en finir avec la guerre civile dans
          l’Ouest. Enfin, ses conquêtes s’inscrivaient dans la lignée d’une vision dynastique, au ser-
          vice de sa famille, tant naturelle qu’élargie (Eugène de Beauharnais, Murat…). « Mais s’il se
          souciait toujours plus d’adopter des formes traditionnelles de légitimation, il n’en rejetterait
          pas pour autant le nouveau modèle de la guerre » .
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             De fait, la guerre d’Espagne (1808-1814), « anormale » déjà pour les contemporains,
          est souvent qualifiée de guerre totale. L’apparition de la guérilla suppose une « belligérance
          universelle » pour M. Artola, vision généralisée par la suite . Nous tenterons de vérifier
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          cette affirmation par l’étude des pratiques de pacification de Soult en Andalousie, longtemps
          éclipsées par l’action de Suchet en Aragon et à Valence .
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          1   J.-Y. Guiomar, L’invention de la guerre totale XVIII -XIX  siècle, Paris, Éditions du Félin, 2004 ; D. A. Bell,
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              « Les origines culturelles de la guerre absolue, 1750-1815 », La Révolution à l’œuvre. Perspectives actuelles
              de l’histoire de la Révolution française, J.-C. Martin dir., PU de Rennes, 2005, p. 229-239, et The First Total
              War. Napoleon’s Europe and the Birth of Modern Warfare, London, Bloomsbury, 2007.
          2   D. A. Bell, The First Total War…, op. cit., p. 195.
          3   M. Artola, « La guerra de guerrillas. (Planteamientos estratégicos en la Guerra de la Independencia) »,
              Revista de Occidente, II, 10, 1964, p. 12-43; C. Almuiña Fernández, « Formas de resistencia frente a los
              Franceses. el concepto de guerra total », Repercusiones de la Revolución Francesa en España, Madrid,
              Universidad Complutense, 1990, p. 453-471.
          4   J.-R. Aymes, « Soult en Andalucía y Suchet en Zaragoza y Valencia: dos métodos de pacificación diferencia-
              dos », Cuadernos del Bicentenario, 1, 2006, p. 57-79; ainsi que « Les maréchaux et les généraux napoléo-
              niens. Pour une typologie des comportements face à l’adversaire », Acteurs de la Guerre d’indépendance.
              Mélanges de la Casa de Velázquez, 38-1, 2008, p. 71-93.
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