Page 263 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
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semble préfigurer la définition du politique de C. Schmitt . Certes, cette démarche n’est pas
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isolée dans la Péninsule , mais Soult la poussa à son terme.
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La criminalisation de l’ennemi compte dès lors parmi les plus virulentes de la Pénin-
sule. Elle s’avère aussi omniprésente, diffusée par les divers médias officiels (presse, théâtre,
prédication…). Dans un premier temps, selon un témoignage évoquant la « pacification »
de la zone insurgée de la Serranía de Ronda en juin 1810, on respectait certaines formes.
« Nous leur tuâmes beaucoup de monde. On ne fit prisonniers que les militaires espagnols,
les paysans pris les armes à la main étaient fusillés immédiatement et on brûlait leurs habita-
tions » . Par la suite, les « brigands » capturés seront pendus, leurs corps dépecés et exposés,
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selon la tradition coercitive d’Ancien Régime, de façon à discréditer leurs motivations.
Parallèlement, l’occupant s’attache à mobiliser les ressources régionales, minières et
humaines (ouvriers et artisans spécialisés…) en fonction de ses intérêts. D’où la création
de pôles industrialo-militaires à Séville, Grenade et Cordoue, dont la gestion centralisée
et rationalisée s’oppose au saupoudrage antérieurement pratiqué par la Junte Centrale. De
même, la production agricole est consacrée en priorité à l’entretien de l’Armée du Midi ; de
nombreuses municipalités méridionales doivent financer, à leurs frais, la réfection de routes
ou la construction de fortifications pour répondre à ses besoins .
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Le tout s’accompagne d’une confusion délibérée des pouvoirs, le duc de Dalmatie re-
fusant de s’en tenir à la seule sphère militaire et méprisant ouvertement les prérogatives
de l’administration civile josefina, au nom des impératifs systémiques de la pacification.
« En Andalousie comme partout ici, l’administration et la police se lient si intimement aux
opérations militaires qu’il n’est pas possible de les séparer » . Cela justifia à ses yeux la
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création d’une police totalement indépendante du ministère madrilène, en octobre 1811, qui
se traduisit, notamment dans la préfecture de Cordoue, par la levée d’escouades montées de
policiers au service exclusif des autorités d’occupation .
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De plus, on assista à une unification/personnalisation croissante du commandement au
profit de Soult, dès lors que des rivaux potentiels (Dessoles, Sébastiani, Victor…) furent rap-
pelés en France et remplacés par des fidèles du duc de Dalmatie ou des généraux plus dociles.
La réorganisation de l’Armée du Midi, notamment au printemps de 1812, jouait également
dans ce sens .
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Enfin, l’optimisme initial de Soult lui fit considérer l’Andalousie comme un tremplin idéal
ère
9 C. Schmitt, La notion de l’ennemi, Paris, Flammarion, 1992, p. 64-66, 70-71 et 112-114 (1 édition 1927).
10 Ney l’essaya également à La Corogne au printemps 1809, cf. o. levavasseur, Souvenirs militaires 1800-
ère
1815, Paris, Librairie des Deux Empires, 2001, p. 144 (1 édition 1914) : « (…) employant tous les moyens
pour attirer et compromettre dans notre cause des personnes marquantes. Il leur disait qu’il fallait se mon-
trer à lui comme ami ou comme ennemi ».
11 J.-B. d’Héralde, Mémoires d’un chirurgien de la Grande Armée, Paris, Teissèdre, 2002, p.136.
12 J.-M. Lafon, L’Andalousie et Napoléon. Contre-insurrection, collaboration et résistances dans le midi de
l’Espagne (1808-1812), Paris, Nouveau Monde/Fondation Napoléon, 2007, chap. VII et VIII.
13 Soult, Mémoires. Espagne et Portugal, Paris, Hachette, 1955, p. 224.
14 M. Turrado Vidal, De malhechores a gente de orden. Historia de una partida bonapartista cordobesa, Ma-
drid, Fundación Policía española, 2005.
15 Bouillé, op. cit., III, p. 499.