Page 268 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
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           adhérait probablement à une éthique aristocratique de la guerre – jugea dignes de celles de
           turreau en Vendée . Le chef guérillero Espoz y Mina et les généraux Abbé et Reille riva-
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           lisèrent d’atrocités en Navarre à partir de décembre 1811. En Catalogne, le général patriote
           Lacy pratiqua une « guerre chimique » durant l’été 1812, par l’empoisonnement à l’arsenic
           des vivres et des citernes des principales garnisons françaises (Barcelone, Hostalrich, Tarra-
           gone, Mataró, Olot…) . Pour sa part, le général Henriod, gouverneur de Lérida, employait
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           systématiquement la torture sur les prisonniers et les otages catalans.
              Cependant, il s’agissait là d’initiatives isolées, souvent temporaires car étroitement liées
           à la personnalité de leurs concepteurs. Ainsi, le simple changement d’un gouverneur de ville
           ou de province pouvait présenter des conséquences notables sur le degré de pacification du
           secteur concerné . En outre, elles furent généralement désavouées par les autorités civi-
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           les, afrancesadas comme patriotes, et on s’efforça d’y mettre fin. La Junte de Catalogne
           remplaça Lacy par le général Copons, moins exalté, et des conventions minimales furent
           rétablies avec les occupants français. Le ministre de la Guerre français, dûment averti par
           des administrateurs civils de la Catalogne annexée au premier rang desquels le préfet A. de
           Villeneuve-Bargemon , ordonna à Suchet de mettre un terme aux exactions de Henriod.
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              A contrario elles démontrent la difficulté de définir le conflit espagnol, dans son ensem-
           ble, comme une guerre totale. De même, l’analyse minutieuse de témoignages immédiats
           des différents belligérants (journaux, lettres, mémoires rédigés à partir de notes quotidien-
           nes…) suggère que « l’ennemi absolu » fut davantage un impératif de propagande (surtout
           espagnole, dans les faits) qu’une réalité . en cela, le parallèle avec la dévastation planifiée
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           et indiscriminée de la Vendée , établi par D. A. Bell pour faire de l’Espagne le deuxième ter-
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           rain d’application des théories de guerre absolue , s’avère insatisfaisant. À moins d’insister
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           sur sa dimension, longtemps déniée ou limitée à la seule perspective de l’afrancesamiento
           idéologique, de guerre civile .
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              Soult constitue ici une exception relative, en tant que maître dictatorial des provinces
           méridionales de l’Espagne jusqu’à leur évacuation définitive, entre août et septembre 1812 ;
           j’avoue m’écarter ici du portrait flatté et par trop unilatéral dressé par sa dernière et majeure
           biographe, Nicole Gotteri. Car il n’avait que peu à craindre du roi Joseph, à part des plaintes




           39   Broglie, Souvenirs, 1785-1870, Paris, Calmann-Lévy, 1886, I, p. 149.
           40   incidents rapportés in N. Gotteri, La police secrète du Premier Empire. Bulletins quotidiens adressés par
               Savary à Napoléon, Paris, Honoré Champion, V, 2001, p. 92, 142, 169-170, 184, 231, et par L. M. Routier,
               Récits d’un soldat de la République et de l’Empire, Paris, Vermot, 1899, p. 125-126.
           41   Gonneville, Souvenirs militaires du colonel…, Paris, Perrin, 1895, p. 143.
           42   a. tiano, Alban de Villeneuve-Bargemon (1784-1852), le précurseur d’un État social ou un grand notable
               bien ordinaire ?, Nîmes, Lacour, 1993, p. 110-120 pour son opposition à Henriod.
           43   J.-M. Lafon, « Les Souvenirs sur l’Espagne, outils pour saisir la singularité du conflit ? », Trienio, Ilustración
               y Liberalismo, 47, 2006, p. 5-29, p. 17-22.
           44   Car n’épargnant pas les républicains locaux, ni leurs biens, ce qui correspond à la « violence d’éradication »
               définie par J. Sémelin, Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides, Paris, Seuil, 2005,
               p. 408.
           45   D. A. Bell, The First Total War…, op. cit., p. 280.
           46   J.-M. Lafon, L’Andalousie et Napoléon…, op. cit., p. 536-544.
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