Page 104 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
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104 XXXIV Congresso della CommIssIone InternazIonale dI storIa mIlItare • CIHm
Contrairement à ce qui s’était passé en Allemagne et au Japon, au Viêt-nam, dans les
années cinquante, soixante et soixante-dix la guérilla empêchait le fonctionnement des ins-
titutions politiques et administratives. En ce lieu, la tâche des militaires américains n’était
pas de remplacer un gouvernement battu, mais de renforcer celui de Saigon, allié des Etats-
Unis. Au même problème d’administrer et dans le même temps de lutter contre la guérilla
durent se mesurer les Anglais, dans différentes parties de leur Empire secoué par la vague
de décolonisation, et, forts de leur tradition impériale, ils arrivèrent à le résoudre de façon
en général plus heureuse. Dans ces cas, il était nécessaire de trouver dans la classe poli-
tique un interlocuteur crédible, jouissant dans le même temps du consensus de la popula-
tion locale mais étant aussi ami de la puissance étrangère qui voulait le soutenir, doué de
charisme mais pas trop autoritaire et étant à même de réaliser des réformes, dans l’espoir,
souvent illusoire, d’éliminer les raisons de mécontentement exploitées par les guérilleros
révolutionnaires .
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La guérilla visait naturellement à éliminer, dans les villages surtout, les fonctionnaires
locaux les plus efficaces et honnêtes, de façon à obliger à utiliser des personnages incapa-
bles et corrompus, qui auraient jeté le discrédit sur l’administration. Il fallait, comme cela
fut dit, vaincre les cœurs et les esprits des populations indigènes, ce qui entrait parfois en
conflit avec les exigences militaires. Si la guérilla agissait comme un poisson dans l’eau,
selon l’expression du général Giap, il fallait lui enlever l’eau, mais sans provoquer trop de
pertes dans la population, prise entre les deux feux des représailles de la guérilla et de la
répression du gouvernement.
La guerre − alors déjà hyper-technologique − que voulaient combattre les Américains
pour réduire leurs pertes ne permettait pas toujours d’atteindre cet objectif: un village dé-
truit par le napalm était difficilement un bon viatique pour conquérir précisément les cœurs
et les esprits. «Il avait été nécessaire de détruire le village pour pouvoir le sauver», telle fut
la déclaration paradoxale d’un major de l’Armée américaine, au terme d’un combat dans la
ville de Bčn Tre, sur le delta du Mékong . Il s’agissait là d’un problème qui se représente
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aujourd’hui.
Au Viêt-nam il y eut la combinaison entre «illusion technologique» et faiblesse morale
qui conduisit les Américains à la défaite et il y eut la dichotomie entre la guerre technologi-
que de l’Occident, qui veut minimiser les risques pour ses propres hommes en uniforme, et
les guerres «sales» des tribus, des ethnies et des groupes politiques et religieux de l’«autre
monde». En commentant ce conflit, un historien a écrit: «La pensée militaire de l’Occident
est même parvenue à concevoir l’utopie d’une guerre où il serait possible de ne faire com-
battre, pratiquement, que les machines, avec à peine quelques dizaines d’hommes à leur
service». En Algérie et en Indochine déjà, dans les années 50 et 60 il y avait eu la crise des
infanteries, ancien nerf de toutes les armées, à cause de la «croissante incapacité des peu-
50 En réalité «Le stratège révolutionnaire ne cherche pas la solution des problèmes qu’il dénonce. Sa dénoncia-
tion a le double rôle de lui donner un statut et de jeter de l’huile sur le feu. Pour cette raison, l’illusion serait
de penser qu’apporter une réponse au problème ponctuel objet du débat suffirait à désamorcer la subversion»
(E. Langlois, Guerre classique et guerre révolutionnaire: l’illusion de la différence, in Stratégique, n° 85,
2005, page 11).
th
51 Voir G. C. Herring, America’s Longest War. The United States in Vietnam 1950-1975, iV ed., New York,
2002, page 233.