Page 73 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
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          retentissement justement à cause de l’extraordinaire ‘violation’ des espaces ‘civils’.
             D’ailleurs, le mot ‘population’ dans la signification que nous lui attribuons dans ce
          texte pénétra dans la plupart des langues européennes entre le XVIIe et le XVIIIe siècle.
          Tout au long d’une grande partie de l’ancien régime, la ‘population’ en tant qu’ensemble
          des habitants d’un pays resta indistincte sur l’arrière-plan du panorama politico-social,
          en coïncidant tout au plus avec l’ethnie. Au premier plan figuraient par contre les ordres,
          les ‘états’. Dans leurs messages aux sujets, les souverains s’adressaient non pas à la mul-
          titude de ceux sur lesquels ils exerçaient leur pouvoir, mais plutôt aux nobles, ou mieux
          aux chefs des familles nobles. C’était par le biais de ceux-ci qu’ils souhaitaient atteindre,
          en descendant de niveau en niveau l’échelle juridique et sociale, les éléments inférieurs.
          On ne s’étonne donc pas que les unités de repère pour les relevés, menés pendant le soi-
          disant âge pré – statistique à des fins fiscales ou militaires, étaient la maison et la famille.
          Ce n’est qu’au cours du XVIIIe siècle que les économistes, les membres de la Chambre,
          les statisticiens et les spécialistes de la démographie, après avoir abandonné de manière
          plus ou moins radicale les schémas chers à la société des ordres, achevèrent le long
          processus de ‘découverte’ de la ‘population’. Enfin, suite à la Révolution française, cette
          orientation s’affirma aussi en politique, en conférant au vocable une nouvelle dimen-
          sion, suggérée par la centralité d’autres maîtres mots, ayant profondément caractérisé le
          cadre idéologique des derniers deux/trois siècles, à savoir ‘peuple’ et ‘nation’.
             en couronnement de cette phase constituante de la contemporanéité non seulement
          militaire, on peut situer le citoyen-soldat de la république des modernes, réclamé par
          la composante la plus radicale des Lumières et s’étant incarné dans un premier temps
          dans l’armée de George Washington et plus tard - dans certaines limites – dans l’armée
          de Lazare Carnot. Mais la révolution atlantique, si d’un côté abattit les barrières qui
          cloisonnaient la société traditionnelle (quitte à les rétablir immédiatement à partir d’un
          module basé sur le cens) et de l’autre franchit la voie au dépassement de l’antinomie en-
          tre le ‘civil’ et le ‘militaire’ , en même temps supprima, au moment et dans la mesure où
          elle réalisait les modernes formes constitutionnelles, la fusion au sommet entre pouvoir
          militaire et pouvoir civil, qui avait caractérisé, abstraction faite des réelles capacités de
          guerre des souverains, l’ancien régime. Ce n’est pas par hasard que le mot ‘militarisme’
          a été forgé dans la France de la fin du XVIIIe siècle par ceux qui souhaitaient éviter le
          dérapage typique de la révolution, dont aurait effectivement bénéficié le Général  Bo-
          naparte .
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             Il en découle l’inventaire des contradictions ayant caractérisé, et continuant dans une
          certaine mesure à caractériser, les relations entre les conflits militaires et les populations
          civiles. L’idéologie du citoyen-soldat, malgré elle a été mise de côté notamment pendant
          les premières années du XIXe siècle en raison de la transformation de la conscription
          obligatoire en une source de revenu de militaires de carrière plus économique par rap-
          port à celui assuré par les troupes mercenaires traditionnelles et dans la deuxième partie
          du XXe siècle en raison de l’abandon ou de la tendance vers la réduction du service
          national au profit de forces armées professionnelles, n’a jamais été désavouée, ni elle

          10    Selon Le grand Robert, VI, p. 456 militarisme fut forgé en 1815, ma en M. cortelazzo - P. zolli, Dizionario
              etimologico, III, p. 756 la naissance du terme est anticipée à 1790.
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