Page 93 - Conflitti Militari e Popolazioni Civili - Tomo I
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          Régimes politiques, systèmes internationaux et caractére
          des guerres: guerres totales, limitées, asymétriques


          MASSIMO DE LEONARDIS    *




          guerres stasis et guerres polemos
             Le pourcentage de militaires morts et de victimes civiles n’est pas exclusivement lié
          à la puissance des armes utilisées et aux tactiques mises en place . le caractère limité ou
                                                                  1
          total des guerres résulte également de la nature des régimes politiques et des systèmes
          internationaux.
             Dans cette perspective, pour illustrer les conflits on pourrait adopter deux termes dif-
          férents  que  les  Grecs,  et  notamment  Platon ,  utilisaient:    όόόόόό  (stasis),  c’est-à-dire  la
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          guerre entre des ennemis défendant des intérêts opposés mais appartenant à un système
          de  valeurs  et  institutionnel  partagé,  et  πόόόμόό  (polemos),  la  guerre  entre  des  ennemis
          séparés par une conception opposée du monde et des systèmes politiques . Comme le sou-
                                                                         3
          ligne Raymond Aron, par rapport à l’idéologie, les systèmes internationaux peuvent être
          homogènes ou hétérogènes , selon que les acteurs principaux partagent ou pas la même
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          conception du monde:  dans le premier cas, les guerres qui en résulteront seront des όόόόόό
          (stasis), comme entre la paix de Westphalie de 1648 et la Révolution française et entre
          1815  et  1914;  dans  l’autre  cas,  on  aura  des  πόόόμόό  (polemos),  comme  les  guerres  de
          religion, les guerres de la France révolutionnaire et de l’époque napoléonienne ainsi que la
          seconde guerre mondiale. Von Clausewitz met en exergue justement que ce fut l’apparition
          d’un nouvel acteur international, la France révolutionnaire refusant le système en vigueur,
          qui entraîna la guerre absolue et non pas le contraire .
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          *   Professeur d’Histoire de Relations et des Institutions Internationales et Directeur du Département de Scien-
              ces  Politiques  à  l’Université  Catholique  du  Sacre  Cœur,  Milan.  Professeur  d’Histoire  Contemporaine  à
              l’Université Européenne de Rome. Secrétaire Général de la Commission Italienne d’Histoire Militaire.
          1   On peut tuer beaucoup de gens même en utilisant des armes rudimentaires. Par exemple, les prêtres aztèques,
              en se donnant la relève autours de quatre différents tables, en quatre jours pouvaient sacrifier, par leur poi-
              gnard, plus de 80000 prisonniers de guerre (voir V. D. Hanson, Massacri e cultura: le battaglie che hanno
              portato la civiltà occidentale a dominare il mondo, Milan, 2002, pp. 232-37 et, en particulier, p. 234; l’édi-
              tion original est Carnage and Culture: Landmark Battles in the Rise of Western Power, New York, 2001) et
              aux années ’90 du XX siècle «au Rwanda et au Bourundi le nombre de victimes des machettes a été cinq fois
              supérieur aux morts causés par la bombe atomique d’Hiroshima» (C. Jean, L’uso della forza. Se vuoi la pace
              comprendi la guerra, Rome-Bari, 1996, pp. 16-17).
          2   «L’inimitié entre les alliés et les amis s’appelle sédition; entre les étrangers elle se nomme proprement
              guerre», Platon, Dialoghi politici e lettere, par F. Adorno, vol. I, Tourin, 1970, Repubblica, livre V, chapitre.
              XVI, p. 426 (la traduction citée est celle de Jean Nicolas Grou en 1765).
          3   À cet égard voir G. Miglio, Guerra, pace, diritto. Una ipotesi generale sulle regolarità del ciclo politico,
              maintenant en id., Le regolarità della politica, Milan, 1988, vol. II,  et notamment les pages 773-74.
          4   Voir R. Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, 1962, pp. 108-113 e Id., La politica, la guerra, la storia,
              Boulogne, 1992, p. 74 [Introduction par A. Panebianco].
          5   K. von Clausewitz, De la guerre, Paris, 1955, livre VIII, pp. 708-10.
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